Le Château de Fayet
C'est vraisemblablement la position centrale de Fayet, entre les possessions de Clermont de Lodève et le nouvel héritage de Castelnau-Bretenoux et de Calmont d'Olt qui fit choisir,par Tristan II ou l'un de ses fils, ce site, pour la construction d'une résidence d'agrément autrement accueillante que la sévère forteresse de Brusque, déjà, sans doute, très dégradée.
Le château de Fayet fut, sans doute, bâti au début de la Renaissance comme le révèle, son architecture, sur l'emplacement ou non loin de la Borie noble de la Devèze, déjà qualifiée de château (voir ci-dessus) complété, peut-être un peu plus tard, par le puits monumental - classé Monument Historique - qui se trouve sur le côté gauche de sa cour d'honneur et porte sur son fronton, avec le blason des Castelnau, l'inscription " 1564 et le 3 de May a été fait ce puits ".
Cliquer sur l'image pour l'agrandir ( 99 ) Au dessous figure une référence à l'ancien testament " Fontaine ouverte à la maison de David ". cette dernière formule serait-elle un indice de l'adhésion de Gui II à la Réforme ?
Certains l'ont envisagé, mais c'est là une interprétation apparemment erronée, car, en raison de sa qualité de gouverneur du Quercy, Gui II fut tué le 29 Mai 1580, lors de la prise de Cahors, par les troupes calvinistes d'Henri de Navarre ( 97 ).La carte ci-dessous, dite de Jaillot, ( 98 ), que je pense être la plus proche de la date d'édification du château de Fayet, a le défaut des cartes anciennes réalisées avec des méthodes empiriques, ainsi, le ruisseau de Cabot, passant à Sylvanès (ici Salvanez) ne se jette pas dans le Dourdou, mais dans son affluent La Nuéjouls.
De plus l'icône représentant le château devrait être au confluent avec le Dourdou, sur la rive gauche de la Nuéjouls. Comme le pont sur le Dourdou n'existait pas encore, le château commandait le gué et la route allant du Pont de Camarès à Lodève en longeant successivement les rives droites du Dourdou et de la Nuéjouls et souvent empruntés par Gui II, pour regagner sa charge ou visiter ses possessions dispersées.Malgré ses défauts, cette carte est intéressante pour confirmer bien des orthographes de lieux de notre région, en usage à l'époque de la Renaissance, ainsi :
Salvanez pour Sylvanès, Prunes pour Prugnes, Monnez pour Mounès Peaux pour Peux Dourdon pour Dourdou LaRoq pour La Roquaubel, Confolent pour Couffouleux Brusquez pour Brusque Alrance pour le Rance, Cenomez pour Cénomes La Roque de Razeles pour La Roque de Fayet La Réforme dans le Rouergue méridional
En Europe du Nord, les premières manifestations de la Réforme se situent, en 1517, avec la proclamation de Luther, en Allemagne.Mais Jean Calvin, qui a inspiré la majeure partie des protestants français, a publié son " Institution de la religion chrétienne " à Bâle, dix neuf ans plus tard.
Déjà l'abandon de sa religion par le cardinal Odet de Châtillon, archevêque de Toulouse, puis, au cœur du Vabrais, l'apostasie de l'abbesse de Nonenque : Louise de Roquefeuil et de quelques unes de ses religieuses, avaient rendu manifeste le profond malaise de l'Eglise catholique.
Or, les institutions religieuses étaient alors trop liées au pouvoir royal pour que des défections nombreuses et souvent concertées, ne créent pas une situation insurrectionnelle, mise à profit par quelques princes ou nobles insatisfaits, comme Condé ou plus tard Rohan.
La propagation de la Réforme s'est très vite entourée, de ce fait, d'une atmosphère de guerre civileEn Rouergue, c'est la Haute-Marche, qui fut le plus attirée par l'esprit de la Réforme, ainsi, la Ste-Cène fut célébrée, pour la première fois, à Millau, le 28 Novembre 1561 et l'église réformée de Saint-Affrique dressée l'année suivante, alors que le massacre de soixante protestants à Wassy, ordonné par le duc de Guise, consacrait l'état de guerre.
Les deux implantations de Millau et Saint-Affrique s'étaient effectuées en force, mais sans intervention militaire . Ce ne fut pas le cas au Pont de Camarès où une compagnie sous le commandement du capitaine Beaufort vint de Millau investir la ville haute, le 23 Janvier 1563, semble-t-il, sans combat.Cinq ans plus tard l'occupation de Vabres par les troupes de Crussol d'Uzès s'accompagna de la destruction de la cathédrale et du palais épiscopal avec le massacre de quelques prêtres. De même, à Nonenque, où le monastère fut pillé et incendié, à Saint-Rome de Tarn, où 147 catholiques furent tués, à Saint-Sernin, Montfranc, Saint-Sever où les assiègés comptèrent de fortes pertes.
Est-ce la position reculée de la vaste communauté de Brusque qui lui a valu d'être exempte de tout acte de violence, au cours de cette période troublée, ou l'esprit de tolérance de ses adhérents des deux religions ?
L'analyse, que j'ai pu faire, des cahiers du Consistoire du Pont de Camarès, curieusement conservés à la bibliothèque de l'Arsenal à Paris ( 100 ) montre qu'au cours des cinq années décrites : l574 à 1578, les protestants du Brusquès sont encore rattachés à ce Consistoire où leur état civil est enregistré, ainsi que l'adhésion des nouveaux postulants :
Localités Baptêmes Mariages Admissions Arnac 1 - - Brusque 8 4 7 Céras 1 parrainage - - Fayet 2 1 - La Roque 1 3 3 Malmérane 3 parrainages - - Mélagues 1 1 - Total 13 baptêmes 9 mariages 10 admissions Sur ces cinq années, on peut voir que les adhésions sont presque aussi nombreuses que les naissances, ce qui correspond, au moins à un doublement de la communauté protestante, car les adhésions sont le fait, le plus souvent, de chefs de famille.
Brusque était donc intégré, dès cette époque, à ce que l'historien de Thou a défini comme " une nouvelle espèce de république, composée de toutes ses parties et séparée de l'Etat, qui avait ses lois pour la religion, le gouvernement civil, la justice, la discipline militaire, la liberté de conscience, la levée des impôts, l'administration des finances " ( 101 ).
Notes bibliographiques
( 97 ) Jacques Juillet, Les 38 barons de Castelnau-Bretenoux, p. 105
( 98 ) Archives Nationales, Carte de Jaillot
( 99 ) Vivre en Rouergue num. 52 p. 6, Puits du château de Fayet
( 100 ) Jean Cot, P-V de la Sté des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron, tome XLV page 444
( 101 ) de Thou, Histoire générale du protestantisme, p. 13