Le Rattachement à la Vicomté d'Albi & de Béziers
Tout en restant sous l'autorité des Comtes de Toulouse, pour le Razès, Bernard Aton s'allie à Alphonse 1er d'Aragon et prète serment à Philippe de Toulouse pour ses fiefs du Rouergue ( 15* ). Nombre de places du Sud-Rouergue, dont la viguerie de Brusque, furent détachées, au Xème siècle, du Comté de Rodez, pour être intégrées à la Vicomté d'Albi, attribuée à un vassal : Bernard , résidant, sans doute, au château d' Ambialet, auquel succéda son fils Aton I .
La première mention d'une souveraineté locale,se retrouve dans le cartulaire des Trencavel, ( 16 ) dans lequel il est question de la pierre à mesurer les grains, qualifiée de " sétier de la vicomtesse ", située à Brusque.
Par rapprochement avec le tableau généalogique de cette famille, cette vicomtesse pourrait être : Diaphronisse, épouse d'Aton 1er, qui régna, après la mort de son époux, vers le milieu du Xème siècle, mais l'imprécision de ces références ne permet pas de situer l'emplacement de cette " pierre-foiral " (rive droite ou rive gauche du Dourdou ?)Quant au " castrum de Brusca ",il est évoqué, pour la première fois, dans un acte de 1060, par lequel Raymond-Bernard, vicomte d'Albi, Béziers, et de Nîmes donne en dot à sa fille " le château de Brusque, pour qu'elle le possède de la manière dont le possèdaient ce vicomte et l'évêque Frotaire " (17)
Il est peu probable que le bâtisseur de cet ouvrage militaire, que ce soit Aton II, Bernard-Aton III ou Raimond-Bernard Trencavel, y ait jamais résidé, de façon suivie, car Bernard II, leur devancier, avait déjà vu s'agrandir son domaine, par l'apport en dot, de la vicomté de Nimes, lors de son mariage avec Gauzie, héritière de ce fief.
De même, son arrière petit-fils Raimond Bernard, en épousant Ermengarde de Carcassonne, avait ajouté à ses possessions les vicomtés d'Agde, de Béziers, de Carcassonne et du Razès. Brusque n'était donc, pour cette famille, qu'un ouvrage de défense parmi beaucoup d'autres, plus centraux et plus confortables.
Une Co-Seigneurie au pouvoir dispersé
Encore plus que pour les particuliers, les apports dotaux avaient, pour les apanages féodaux, des conséquences déstructurantes, pouvant jouer dans les deux sens.
Ainsi, les six vicomtés réunies sous l'autorité des Trencavel, (ce surnom qu'il faut comprendre " Tranche bien ", traduisait certainement les capacités militaires ou de gestion de cette redoutable et puissante famille) se sont rapidement émiettées en co-seigneuries à la composition complexe et fluctuante, au cours des transmissions successorales, des alliances de voisinage ou autres transactions.On en a de multiples exemples, sans, bien sûr, tout connaître.
Ainsi, Guilherma, fille de Raimond Bernard, à l'occasion de son mariage avec un de ses cousins : Pierre Aton de la maison des vicomtes de Toulouse-Bruniquel, avait reçu en dot, en 1069, la moitié du château et du territoire de Brusque ( 18 ).L'autre moitié appartenait à Frotaire, évêque de Nîmes et frère du vicomte ( 19 ).
Un acte de partage, entre les fils d'Arnaud du Pont, passé en 1174, désigne comme ayant fait partie du domaine paternel des biens situés dans les paroisses de Tauriac et de Fayet, notamment à la Dezoubre et, par conséquent, dans les limites de la viguerie de Brusque.Ce recueil de chartes, qu'on appelle aussi improprement : cartulaire de Béziers, fournit de nombreuses indications sur le sort de notre seigneurie, au XIIème siècle :
En 1129, on peut relever, parmi cinq co-seigneurs: les trois frères Bernard Bégon, Gaubert et Auger rendant hommage, pour le château de Brusque, à Pierre Aton, vicomte de Bruniquel, petit fils de Raimond Bernard Trencavel, par sa mère ( 20 ).
Ce même acte fait allusion à la villa de Cantul, qu'il faut identifier avec le hameau voisin de Cantoul, situé sur l'actuelle commune tarnaise de Barre, et qui restera longtemps en concurrence avec les habitants de Blanc, pour l'exploitation des bois de la Thède. Dix ans plus tard, c'est Frotaire II, èvèque de Nîmes (aussi un Trencavel), qui donne à fief à Adhémar Corvesinus, ce qu'il possède au château de Brusque et dans sa seigneurie ( 21 ).Certaines attributions ne vont pas sans contestation, puisqu'en 1156, un arbitre tranche le différent qui s'était élevé entre Adémar et Arnaud, vicomtes de Bruniquel et Austor, fils d'Austor de Lunas au sujet du château de Brusque et son honneur estimé, à cette occasion, 6.500 sous melgoriens ( 21* ), où il est précisé qu'à Arnaud, prénom présumé faute du copiste, il faut, vraisemblablement substituer Armand.
En 1176, Bérenger-Austor rend hommage à Roger de Béziers, fils de Saure, pour le château de Brusque ( 22 ).
En Novembre 1179, Roger, vicomte de Béziers et de Carcassonne donne en alleu à Raimond-Bérenger, illustre comte de Provence les châteaux de Brusque, del Pont et de Murasson. Le vicomte précise qu'en cas de transfert de souveraineté des comtés de Provence et de Millau, il continuerait à faire hommage à la Maison de Barcelone, pour ces trois forteresses ( 23 ), démontrant une fois de plus, les efforts des Trencavel pour échapper à la tutelle unique des comtes de Toulouse.
Notes bibliographiques
( 15* ) Jacques Bousquet, Le Rouergue au Premier Moyen-Age, p. 120
( 16 ) Cartulaire des Trencavel folio 185
( 17 ) H. de Barrau, Documents historiques et généalogiques sur les familles et hommes remarquables du Rouergue (tome 1 - p. 412)
( 18 ) Rigal et Verlaguet, Notes pour servir à l'histoire du Rouergue, p. 73
( 19 ) Devic et Vaissette, Histoire générale du Languedoc, 3e édition, tome V, p. 567
( 20 ) Cartulaire des Trencavel, acte 479
( 21 ) Cartulaire des Trencavel, acte 474
( 21* ) H. de Barrau, Documents historiques et généalogiques sur les familles et hommes remarquables du Rouergue (tome 1 - p. 476)
( 22 ) Cartulaire des Trencavel, acte 125
( 23 ) Cartulaire des Trencavel, actes 489-492