Source : "Brusque et le Brusquès", Jean Cot, 1993
A Brusque et dans sa région, les difficultés de communication d'autrefois avaient engendré, peut-être plus qu'ailleurs,
un mode de vie en autarcie et favorisé toutes les formes de l'artisanat.
Ainsi la plupart des foyers assuraient leurs besoins en habillement et textile grâce à un lopin de "caminière"
pour le chanvre et quelques brebis pour la laine.
Ces fibres étaient filées et tissées sur place, de sorte qu'il existait, avant l'essor industriel, une tradition textile bien affirmée et l'on voit, par exemple, dans les comptes consulaires de St Affrique de 1399, l'octroi de
privilèges fiscaux réservés à un tisserand de Brusque, très habile, pour l'inciter à venir s'installer dans cette ville.
De même, cet environnement favorable avait provoqué dès le XVIIe siècle, la création à Cusses de ce que nous appellerions maintenant une petite entreprise de main-d'œuvre, collectant des laines et les donnant à carder et à filer à domicile (34 façonniers en 1808, dont 14 à Brusque, 11 à Tauriac-Mélagues, les autres à Fayet et Cénomes). Il n'est pas jusqu'à l'huile d'encimage des laines qui était produite, sur place, grâce aux noyers de la vallée du Dourdou.
L'importance de la demande en drap de troupe pour l'équipement de la Grande Armée conduisit cette trop modeste entreprise - trop isolée - à s'associer avec ses homologues de Fayet et du Pont-de-Camarès pour obtenir et satisfaire les adjudications du Ministère de la Guerre, pour des fournitures d'un drap de laine assez rustique mais très solide, appelé "tricot" (tissé, il n'avait rien de commun avec l'article de maille que l'on appelle maintenant tricot).
On peut lire la notice rédigée à l'occasion de l'exposition organisée en 1806 par le ministère de l'Intérieur, décrivant le fonctionnement de la filature pendant la durée de l'association, et sollicitant l'octroi de commandes directes.
Cette organisation collective put survivre quelque temps après la chute du Premier Empire, mais ayant perdu sa raison d'être liée aux besoins de l'Armée, chacun des associés reprit bientôt son autonomie pour s'orienter vers la recherche d'une clientèle civile.
Cette mutation qui mettait fin à des pratiques routinières entraîna une nécessaire modernisation de l'entreprise de Cusses, qui, dès 1823, utilisa l'énergie hydraulique pour actionner sa filature. A son exemple, pour ne parler que de Brusque, deux autres établissements utilisèrent une chaussée sur le Dourdou en vue de la production de drap.
L'industrie textile devin ainsi une activité essentielle pour toute la vallée, mais fut vite atteinte par une inévitable concentration au profit de Camarès et au détriment de Brusque et Fayet. La filature de Cusses sera réaménagée en scierie hydraulique produisant des gagets (nom local donné aux caisses à claire-voie utilisées pour le transport des fromages avant affinage aux caves de Roquefort). Elle cessera pratiquement de fonctionner après la crue dévastatrice de 1930.
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Le nombre des fabriquants est environ vingt ; leur nom est MM. Creissels, Jean Cot, Joseph Cot cadet, Pierre Cot, Jean Larman, B. Andrieu et Louis Cot, tous de Fayet ; B. Canac de Brusque, Raymond, Miran, Bonnel, Pierre Martin fils aîné, Augustin Gouzes, Jean Abbal, Firmin Roussac, Jean Bosc, Pierre Malié, Antoine Cauquil et David Bertrand de Camarès.
Les ouvriers employés par cette manufacture peuvent être divisésen deux classes ; l'une de ceux qui travaillent dans les ateliers de fabriquants à la préparation des laines, et l'autre des externes occupés aux filature, tissage, foulage. Le nombre des premiers se porte à environ 400 hommes ou femmes, leur salaire est proportionné à la quantité et au genre de travail qu'ils font ; en général les femmes retirent de leur journée environ 12 sous et les hommes 25 sous. Le nombre des seconds se porte à environ 5400 dont une partie abandonne en été les travaux de la fabrique pour se livrer à ceux de l'agriculture. Les filatures de [...] pour la chaîne se payant 6 sous la livre et celle de la trame 4 sous, les hommes gagnent par jour environ 25 sous et les femmes 10 sous.
On emploie pour la chaîne des laines de la Provence valant dans ce moment 1.18 la [?] et pour la trame diverses laines du pays du prix les unes dans les autres d'environ 1.18 la [?]. Le prix du mètre de tricot de 69/00 de largeur est de 4.4.25. Il est employé par le Gouvernement ou par les corps militaires pour la veste et la culotte des soldats. Le produit de cette manufacture est d'environ 120 000 mètres, il se porterait au double si elle était dans l'activité dont elle serait susceptible. Le mérite des procédés consiste principalement dans l'économie du prix de la fabrication, dans un pays indigent qui borne tous ses besoins au strict nécessaire à la subsistance la plus frugale.
L'époque de la naissance de cette manufacture date de plus de 100 ans, jusqu'à la Révolution elle n'avait point éprouvé de variation sensible, les fabricants ne trouvaient pas à s'y [...] ; ils étaient contents d'en retirer une subsistance honnête ; ils trouvaient une consommation régulière et suivie dans une régie de l'habillement des troupes établie à Lodève départment de l'Hérault, qui achetait toutes ces étoffes pour le compte du gouvernement, et depuis cette manufacture a été languissanteet n'a trouvé que des débouchés momentanés avec quelques négociants de Lodève qui en vendant au gouvernement ou aux corps de troupe les draps qu'ils fabriquaient pour l'habit du soldat leur vendaient aussi les tricots qu'ils achetaient aux fabriques de Fayet et Camarès.
Cette manufacture s'occupe depuis quelque temps d'améliorer la fabrication et la qualité des étoffes connues déjà avantageusement par le mérite de leur solidité et de l'économie du prix. Elle désirerait de fournir directement ses marchandises aux consommateurs et d'éviter les bénéfices que font par elle des intermédiaires pour les employer plus utilement à ces améliorations. Elle espère que le gouvernement daignera seconder ses intentions en procurant directement une consommation à cette manufacture, seule ressource du pays isolé où elle est placée et dont elle nourrit les deux tiers des habitants.
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